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Photo du rédacteurAssia land

une histoire à dormir sans toi

❝ I remained too much inside my head and ended up losing my mind.❞ - Edgar Allan Poe

Je me cherche un corps d’où m’évanouir. Un corps pour mourir...


Je remue ciel et terre, mais je n’en trouve point. Y’aurait-il quelque part un corps en plus? Même vieux, même faible ? Avec un seul bras, sans jambes ?Aveugle et sourd à la fois ?


Juste un corps bien en chair que mon âme puisse me tourmenter. Un corps où je peux dormir, m’allonger un peu sur la neige profonde.


Un corps que je puisse courir une première fois avant que ne me surprenne la mort vagabonde.


J’en possédais un. Il y a si longtemps. Un corps robuste avec de beaux os blancs. Mes bras étaient un peu trop longs et fuyaient devant moi. Il me fallait des heures pour les rejoindre.


Essoufflée, je m’asseyais par terre en espérant qu’un jour ils me reviendraient. Mais, ils ne sont jamais revenus et je ne pouvais rien saisir.


Je prenais alors les choses avec légèreté. Je mangeais avec mes yeux et caressais les oiseaux par leur chant. Je ne me suis jamais plainte car jamais personne ne s’est plaint de moi.


Comme mes bras, toujours collés à mon corps, ne revenaient pas, mes jambes ont pensé faire pareil. Ils se sont mis à grandir et à mesure qu’ils grandissaient, ils me fuyaient. Je ne pouvais plus bouger.


J’avais l’impression d’être attachée à je-ne-sais-quoi . Mes bras et mes jambes continuaient leur course folle.  Mais comme ils ne pouvaient se détacher du reste de mon corps, ils tiraient fort, si fort, qu’ils décorpèrent mon âme. Ils le lui arrachèrent comme on arracherait un vêtement. Mon corps partit retrouver ses parties et nous nous sommes retrouvés seules et nues.


photographie@ al, the oval portrait of a book

Mon âme et moi.

Moi et mon âme.


C’était étrange de se voir l’une l’autre, pour la première fois. Nous étions toutes deux invisibles. Je n’avais plus d’yeux, et elle n’en avait jamais eu. Ça ne servait plus à rien de se voir, ni de se parler d’ailleurs. Nous sommes restées ensemble car nous n’avions pas d’autre choix. Elle me suivait partout comme un chien triste et j’ai eu pitié d’elle.


Quelques fois, je la porte. Je sais que vous vous dites que c’est absurde, sans bras ni dos. La porter est juste une façon de parler. Comme parler d’ailleurs, puisque je n’ai plus de bouche ni de langue. Mais si je continue à dire les choses comme autrefois, c’est que je ne sais pas comment je devrais les dire maintenant.


Les mots sont une invention du corps. Mon corps m’en avait appris de jolis, de grossiers aussi. Il savait être gentil quelques fois. D’autres fois, quand mon âme se levait du mauvais pied, il devenait grincheux, il craquait des doigts et jurait comme un vaurien. Mais ce n’était pas de sa faute. Et je me mets à lui pardonner d’être parti ainsi et avoir quitté cette chienne sans maître.


Mais moi? Que lui ai-je fait pour mériter cette double peine? Ma solitude et la sienne!


Je n’aurais jamais imaginé qu’une telle chose puisse m’arriver. Tout ce que j’espère car il m’arrive encore d’espérer, c’est de tomber sur un corps, remettre mon âme dedans et partir tous les trois comme autrefois.


Le temps nous court après. La mort nous court après. Nous ne savons quelle destination prendre. Elle, chaste âme dénudée et moi qui ne sais plus qui je suis.


Déconsolées, moi de mes cauchemars et elle de ses illuminations, nous passons quelques fois devant vos maisons. Nous vous regardons marcher dans vos rues, écoutons vos paroles bavardes, vos gestes muets.

Nous vous envions en silence.

Vous envions-nous vraiment ?


photographie @ al, le poids des mots

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