❝ Jamais un coup de dés n'abolira le hasard.❞ - Mallarmé
Le hasard nous regarde au fond des yeux. La tête se fait lourde, les paupières retombent. On a envie d’en rire ou d’en pleurer, car c’est tout de même incroyable. Il s’y cache bien quelque chose.
On a envie de crier, combien ce monde est petit, combien il est facile de le saisir dans ses bras. Pour un instant encore, cette joie nous emporte, si éclatante, si trompeuse.
Convaincus, sommes-nous, tous les deux, qu’un sentiment soudain nous avait réunis. Belle est cette certitude mais plus belle est l’incertitude.
Et puisque nous ne nous sommes jamais connus avant, rien entre nous n’est jamais arrivé.
Mais qu’en pensent les rues, les escaliers, les plages et les marchands de glace où, depuis si longtemps, nous aurions pu nous croiser ?
J’aimerais demander si tu ne te souviens pas, dans ce tourniquet, autrefois, l’un et l’autre, face à face, de quelque « pardon » dans la foule, d’un « vous faites erreur » au téléphone. Mais je sais bien ce que tu diras: « Non, rien, aucun souvenir. »
Nous serions étonnés d’apprendre que, depuis un moment déjà, le hasard jouait avec nous. Pas tout à fait prêt encore à se faire destin. Il nous poussait, nous éloignait et nous croisait en chemin pour s’écarter aussitôt en rigolant sous cape.
Si signes et indices il y eut, ils furent encore illisibles, mais quelle importance ?
Qui sait, il y a dix ans peut-être, sinon mardi dernier, une feuille avait volé d’une épaule vers une autre ?
Nous avions ramassé quelque chose de perdu ? Un ballon peut-être, déjà dans les buissons de l’enfance ?
Deux valises, côte à côte, dans un aéroport ? Un rêve identique, une nuit, aussitôt effacé le matin ?
Tout début n’est jamais qu’une suite, et le livre de nos vies toujours ouvert au milieu...
Le hasard et l'histoire main dans la main..