❝ Écrire comme un chien qui fait son trou, un rat qui fait son terrier. Et, pour cela, trouver son propre point de sous-développement, son propre patois, son tiers monde à soi, son désert à soi.❞ - Gilles Deleuze
Écrire à minuit. Après la soupe et les grimaces; après la vaisselle et le gras; après les leçons apprises lentement et le sommeil qui arrive trop vite; après les complots du bruit et la victoire du silence. Écrire, toujours après quelque chose, ou après quelqu’un.
Minuit. Les deux aiguilles se réchauffent en haut de l’horloge, se promettent de se retrouver à midi quand l’autre, fine et sèche, court à les séparer…
Souvenir de classe : La maîtresse sépare les deux amis. « Tu écriras cent fois le mot silence! ». Puis écrire cent fois le mot Amour à la place. Le cœur gros tricoté avec tendresse pour les vieux jours.
Amour. Unique trophée, unique titre de gloire.
Écrire ce mot cent fois à l’encre bleue, s’appliquer à chacun d’eux avec de grands gestes comme on jouerait de la violoncelle, l’enrober dans du parfum d’anis, le nouer autour de jolis rubans avant de le laisser sécher dans un cahier recouvert de papiers à fleurs.
Rêver secrètement, un jour devenir poète pour le réécrire cent fois encore.
Écrire à minuit. Quand il n’est pas encore assez tard, quand il n’est plus assez tôt. Quand il n’est plus temps sans doute …
Le poids des mots ! Il faut les peser, parfois les dépouiller, les déshabiller peu importe l’heure ! Et s’ils se répètent alors les jeter puis recommencer pour leur trouver un sens unique !
Ecrire le soir est le meilleur moment.
Les matins sont pleins de désordre et de tumulte.
Quelle enthousiasmante idée que celle d'être puni par la répétition du mot Amour . Avec ses fils je tisserais une couverture épaisse pour lutter contre le vent polaire en attendant le retour de l'am-our(s) en hibernation.
Tu as raison.
Tous les mots ne s’écrivent pas aux mêmes heures. Les aiguilles se bousculent pour certains mots, trainent la patte pour d’autres et, parfois, s’arrêtent complètement, se figent, paralysées, pétrifiées par un mot, jamais deux fois le même, évidemment…
Et puis, il y a ce laps de temps que les astronautes appellent vulgairement – la science est vulgaire – “fenêtre de tir” et que les garde-chiourmes sentencient, dans leur langue glauque, par : “L’heure c’est l’heure : avant l’heure c’est pas l’heure et après l’heure c’est plus l’heure”.
Mais… on est bien, ici, maintenant. Et quoi qu’il arrive, cet instant fut.