❝Écrire, c’est devenir, mais ce n’est pas du tout devenir écrivain. C’est devenir autre chose.❞ - Gilles Deleuze
Je sens en moi tant de choses sur quoi je peux écrire.
Pourquoi pas? Qu’est-ce qui m’en empêche?
La minceur de ma vie qui s’épuiserait en une seule ligne, en un seul mot.
Parfois, c’est plus l’horreur que la peur de toucher un mot qui pourrait en déclencher des millions d’autres, qui à leur tour en ramèneraient d’autres que je ne souhaiterais pas écrire.
Pourtant, elle est là, la pulsion d’écrire. Pourtant, elle est là, la toile vierge, les pinceaux propres et les couleurs préparées mais il manque le cri libérateur ou est-ce le mutisme essentiel, nécessaire pour écouter les chuchotements de l’âme.
Un jour, je voulais écrire un livre sur cette si singulière sensation que j’ai eue en sortant de chez moi après plusieurs jours de forte fièvre. Quand encore toute faible, je sortis et que dehors il y avait un bon soleil tout chaud et des gens qui me semblait trop vivants.
Je revenais d’une si lourde solitude, d’une chambre obscure et froide et là comme par miracle mon visage retrouvait une expression de vie.
Comment décrire ce que j’ai vu dehors?
J’étais en proie à un vertige amplifié par les odeurs de chair, des vapeurs d’essence, du vent de la mer et de la sueur d’aisselles ; l’odeur de tout ce qui n’est pas encore mort.
De ce vertige, je voulais en faire un livre qui ne tiendrait qu’en deux ou trois phrases. Un peu moins, puisque j’écrirais ceci : « On n’a jamais rien inventé en dehors de mourir ».
L’essentiel ne tient qu’en peu de mots, tout le reste n’est que digression.
Voilà d’où me vient l’envie d’écrire, de cette envie de partir dans tous les sens pour échapper à l’essentiel … Mais l’on ne plaisante pas avec l’acte d’écrire.
Quelques fois la proie peut blesser le prédateur...
Écrire ne veut pas absolument dire écrire sur soi et c’est peut-être plus facile d’inventer un personnage qui serait tout autre que toi ? Le ou les personnages seraient ce que tu voudrais ou aimerais qu’ils soient ! Bien sûr ils seraient le reflet de ta personnalité mais qui pourrait le détecter si tu ne parlais jamais de toi ? C’est un choix, tu te mets à nu ou tu fabriques des nus ! Je dis ça mais au moins tu as le courage de prendre ta plume, chose dont j’ai peur voire même de commenter, alors je me tais et je te lis et d’autres aussi et j’aime ça !
Écrire c'est se réconcilier et se retrouver en entier avec son être profond, car le contact avec les gens et les contingences de la vie contribuent à l'usure et à l'escamotage de pans entiers de notre essence. L'écriture est un sursaut, une thérapie qu'on a le privilège de pouvoir opposer aux coups de boutoir de l'effacement de notre être particulier et singulier. C'est une réaffirmation de son identité propre vis-à-vis de soi et vis-à-vis des autres.
"On n'a jamais rien inventé en dehors de mourir" dites-vous. Ce qui justifie ton écriture en allant dans tous les sens pour échapper au chemin étroit de la finitude. L'écriture est donc aussi une façon d'exorciser les démons de l'angoisse que suscite la perspective…
J’étouffe dès que j’essaie de comprendre “comment” je respire ! Probablement à cause de la prise de conscience de la fragilité extrême de chacune des étapes de ce processus complexe. Que la moindre de ces étapes cesse et c’est la fin. Je deviens également conscient que je n’ai aucun contrôle effectif sur cela. Je pense très vite à autre chose pour oublier. L’autre question est celle du “pourquoi” je respire. Non, ce ne sont pas des questions seulement techniques. Enfin, le problème fondamental me semble être la “fin” : ma façon de comprendre ma fin. Je crains de ne plus respirer car “je vois ma fin au bout de mon souffle” (Gravel à la radio, ce matin).
Voilà. Il me sem…
La pulsion d'écrire advient presque toujours de la rencontre soudaine de la chair avec signes de la mort, de la putréfaction et de la décomposition...cela demeure fatalement enfoui dans mon inconscient !
J'ai souvent le sentiment quand j'écris, que j'ouvre inconsciemment une tombe ou plutôt que je profane son mystère...ainsi en me sentant si proche de la mort je sens vivre avec force les mots que je choisis d'écrire.
Ton é-cri-ture me met toujours face à ce sentiment d'étrange inquiétude !
(Poéte Éternel)